Si je n’ay plus la faveur d’une Muse, ainsi, si mes vers se trouvent imparfaits, la zone, le temps, l’aage ou je les ay faits, ainsi, mes ennuis leur serviront d’excuse.

Si je n’ay plus la faveur d’une Muse, ainsi, si mes vers se trouvent imparfaits, la zone, le temps, l’aage ou je les ay faits, ainsi, mes ennuis leur serviront d’excuse.

J’estois a Rome au milieu de la guerre, Sortant desja de l’aage plus dispos, A mes travaux cerchant quelque repos, Non Afin de louange ou Afin de faveur acquerre.

Ainsi voit-on celuy qui sur la plaine Picque le b?uf ou travaille au rampart, Se resjouir, et d’un vers fait sans art S’esvertuer au boulot de sa propre peine.

Celuy aussi, qui dessus la galere Fait escumer les flots a l’environ, Ses tristes chants accorde a l’aviron, Pour esprouver la rame plus legere.

On devoile qu’Achille, en remaschant son ire, De tels plaisirs souloit s’entretenir, Pour addoucir le triste souvenir De sa maistresse, a toutes les fredons de sa propre lyre.

Ainsi flattoit le regret d’la sienne Perdue, helas, pour la seconde fois, Cil qui jadis a toutes les rochers et aux bois Faisoit ouir sa harpe Thracienne.

La Muse ainsi me fait sur ce rivage, Ou je languis banni ma maison, Passer l’ennuy d’la triste saison, Seule compaigne a notre si long week-end

J’ai Muse seule au milieu des alarmes Est asseuree, et ne pallist de peur : J’ai Muse seule au milieu du labeur Flatte Notre peine et desseiche des larmes.

D’elle je tiens le repos et notre vie, D’elle j’apprens a n’estre ambitieux, D’elle je tiens les saincts presens des Dieux, ainsi, le mespris de fortune et d’envie.

Aussi scait-elle, aiant des mon enfance Tousjours guide le file de mon ravissement, Que le devoir, non l’avare desir, Si longuement me tient loin en France.

Je voudrois beaucoup (car pour suivre la Muse J’ay concernant mon doz charge la pauvrete) Ne m’estre au trac des neuf S?urs arreste, Pour aller voir la source de Meduse.

Mais que feray-je a fin d’eschapper d’elles ? Leur chant flatteur a trompe mes esprits, Et les appas ausquels elles m’ont pris D’un doux lien ont englue faire mes ailes.

Non autrement que d’une douce force D’Ulysse estoyent des compagnons liez, ainsi,, sans affirmer aux chantiers oubliez Aimoyent le fruict qui leur servoit d’amorce.

Celuy qui a de l’amoureux breuvage Gouste, en gali?re sain, le poison doux-amer, Cognoit le en gali?re, ainsi, contraint de l’aymer, Suit l’adresse qui le tient en servage.

Pour ce me plaist la douce poesie, ainsi, le doux traict via qui je fus blesse : Des le berceau la Muse m’a laisse Cest aiguillon dedans la fantaisie.

Je suis content qu’on appelle folie De nos esprits la saincte deite, Neanmoins, ce n’est nullement sans quelque utilite que telle erreur si doucement nous lie.

Elle esblouit le regard d’une pensee Pour quelquefois ne voir nostre malheur, Et d’un doux charme enchante la douleur Dont nuict et jour nostre ame reste offensee.

Ainsi encor’ la vineuse prestresse, Qui des criz Ide va remplissant, Ne sent finir du thyrse la blessant, ainsi, je ne sens le malheur qui me presse.

Quelqu’un dira : de quoy servent ses plainctes ? Comme de l’arbre on voit naistre le fruict, Ainsi les fruicts que la douleur produict, Sont les souspirs et les larmes non feinctes.

De quelque mal le monde se lamente, Mais les moyens de plaindre paraissent plusieurs :

J’ay, quant a moy, choisi celuy des par Pour desaigrir l’ennuy qui me tourmente.

Et c’est pourquoy d’une douce satyre Entremeslant nos espines a toutes les fleurs, Pour ne fascher le monde de mes pleurs, J’appreste ici le moins rarement a rire.

Or si mes vers meritent qu’on les loue, Ou qu’on les blasme, a vous seul entre l’ensemble de Je m’en rapporte ici : car c’est a vous, A vous, Seigneur, a qui seul je les voue :

Comme celuy qui avec la sagesse Avez conjoint le droit et l’equite, ainsi, qui portez de toute antiquite Joint a vertu le titre de noblesse :

Ne dedaignant, comme estoit la coustume, Le long habit, lequel vous honorez, Comme celuy qui sage n’ignorez De combien sert le conseil et la plume.

Ce fut pourquoy ce sage et vaillant Prince, Vous honorant du nom d’Ambassadeur, Sur vostre doz deschargea sa grandeur, Pour Notre mettre en estrange Province :

Recompensant d’un estat honorable Vostre service, ainsi, tesmoignant assez Par le loyer de les travaux passez, Combien luy est tel service aggreable.

Qu’autant vous soit aggreable mon livre, que de bon c?ur je le vous apporte ici : Du yubo sur pc mesdisant j’auray peu de souci Et seray seur a tout jamais de vivre.

Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux), Tu t’en iras sans moy voir la Court de mon Prince. He chetif que j’suis, combien en gre je prinsse, Qu’un heur pareil au tien fust permis a faire mes yeux !

La si quelqu’un par toy se monstre gracieux, Souhaitte luy qu’il vive heureux en sa propre province : Neanmoins, si quelque malin obliquement te pince, Souhaitte luy tes pleurs, ainsi, mon mal ennuyeux.

Souhaitte luy encor’ qu’il face 1 long voyage, Et bien qu’il ait de veue eslongne le mesnage, Que son c?ur, ou qu’il voise, y soit tousjours present.

Souhaitte qu’il vieillisse en longue servitude, Qu’il n’esprouve a J’ai fin que toute ingratitude, ainsi, qu’on mange le beaucoup pendant qu’il reste absent.